III-Des changements conséquents: la fin de l'ancien Gallargues.
Les changements au sein de l'agriculture gallarguoise va par un effet d'entrainement avoir des conséquences sur toute l'activité du village, tout ces petits métiers (même si les gens n'en n'ont pas encore conscience sur le moment) et les modes de vie qui s'y rattachent vont disparaître progressivement entre le début du XX ème siècle et la fin de la seconde guerre mondial..
La fin de la charité.
La période qui s’étend de 1870 à 1907 est d’une importance capital dans la prise de conscience du groupe dans un sens particulier. Celui de la pauvreté. Les explications générales que je vais vous donner à ce propos, n’en soyez pas étonné, sont tirés d’un ouvrage de Pierre le Guérinel1:
Avant le phylloxera, la vision de la pauvreté est traditionnelle. Elle se caractérise par deux éléments : elle fait l’objet d’une approche plus religieuse et moral qu’économique ; d’autre part, le pauvre joue un rôle dans un édifice social qui lui réserve sa place. Le visage de la pauvreté est ambivalent, c’est à la fois la vertu et le vice. Ce faisant, la société chrétienne distingue une bonne et une mauvaise pauvreté (je ne vous ferai pas l’insulte de remonter jusqu’aux hôpitaux généraux). La première est « la pauvreté affective » celle qui guide les ordres mendiants, à l’image de St François d’Assise. La seconde est la pauvreté effective et subie. C’est à cette pauvreté que je m’intéresse dans mon devoir. Mais elle conduit à diviser les pauvres en deux catégories : les « bon pauvres » atteints par la misère et la déchéance physique. Qui ont le droit à l’assistance l’hospitalitas. Les « mauvais pauvres », c'est-à-dire les valides qui pourraient travailler. Ces derniers sont disqualifiés socialement, d’ailleurs il faut voir de quelle façon il sont nommés dans la liste nominatives des dénombrements (c’est horrible ! ). Ces derniers n’ont droit qu’à la Liberalitas, c'est-à-dire l’aumône du passant. Dans cette société la pauvreté subie est considérée comme contraire à la nature, on doit au pauvre la caritas, c'est-à-dire la charité, plus tard sécularisé en assistance. Celle-ci est avant tout d’essence religieuse, et elle a une signification particulière dans un bourg protestant ou l'esprit d'entraide a du jouer un rôle important face à l'adversité. C’est ici que les choses deviennent intéressantes. Car cette logique était pratiqué jusqu’au milieu du XIX ème siècle, notamment au travers des institutions religieuses comme les ateliers de fabriques, les bureaux de bienfaisance, ou parfois par l’institution communal dans les ateliers de charité. Mais je pense que même dans ce cas la pauvreté est restée marginale, et soutenu par un esprit d'entraide communautaire et informel. Quand je fais la distinction entre les institutions religieuses et communales, je ne pense pas qu’elle soit pertinente jusqu'à la sorti loi sur la laïcité dans le courant en 1882. La s’arrête les subventions de la mairie au culte religieux de façon rédhibitoire tout du moins jusqu’au début du siècle dernier.
Une forte conscience de groupe.
Avec l’arrivée du phylloxera, la population gallarguoise se trouve confrontée pour la première fois à une indigence d’une toute autre ampleur. Tout le monde pouvait être touché ! Dans ce cas les solutions apportées ne sont plus les mêmes. La seule solution c’est de s’unir et de serrer les coudes. Bien évidemment, trouver des traces de cela dans les archives n’est pas une masse à faire, car il est évident que nous sommes encore dans une société de tradition orale . Tout ce fait encore d’un commun accord tacite, sans qu’il n’y est besoin qu’on le mette par écrit, d’autant plus que cela ne se faisait pas (pas toujours). Toutefois, j’ai pu trouver des informations concernant la création de syndicats durant cette époque. Mais aussi d’actions de la municipalité pour tenter d’occuper cette masse d’indigents durant la saison morte. On leur faisait ramasser des pierres dans des carrière, voir même aux ouvriers de bourgs voisins comme Vergèze par exemple. Bien entendu c’était les contribuables, les plus imposés en particulier... Qui payaient la note ! Mais c’était de bon cœur. L'esprit d'entraide protestant y était certainement pour quelque chose, et ce point mériterait d'être éclairci. La municipalité faisait comme elle pouvait. Le syndicat fut plus un moyen pour attirer les subventions de l’Etat qu’autre chose à mon avis, les gallarguois n’étaient pas dupes. Elle est aussi un révélateur de cette conscience d’appartenance à un « groupe », à une classe. Bien large car elle s’étendait à tout les villageois. Pas de gros propriétaires, ensemble assez hétéroclite, ceux qui n’étaient pas uniquement propriétaires effectuaient divers métiers, et habitaient parfois à l’extérieur de Gallargues ( par exemple je suis tombé sur un qui domiciliait à Remoulins). Cette conscience dont je vous parle est apparue dans le courant des années 1880. Initiée par l’engouement de l’avant projet de canal de dérivation du Vidourle (1882-1883) que j’ai découvert grâce aux conseils de Atger.
Voici quelques calcul simples faits sur la liste des adhérents à l'exécution d'un canal d'irrigation et de submersion dans la commune de Gallargues pour vous donner une idée de la chose.
le 25 Juin 1882.
Nombre d'adhérents: 271
Nombre d'hectares: 476,75
Moyenne (en hectare): 476,75/ 271= 1,76
Ecart (en hectare) entre le plus gros et le plus petit propriétaire: [18-0,15].
Ce projet, plutôt devrais je dire cet avant projet a été rédigé par Mr De Cauquis ingénieur des ponts et chaussés à la retraite, et votre ancêtre Mr Gaston Gourgas y étaient engagé lui aussi! Ce documents sont d’ailleurs d’une valeur inestimables de part la qualité de la graphie et des plans d’une extrême application de la part de son auteur. On a voulu, dériver le Vidourle à partir de la Roque d’Aubais jusqu’au pont de Lunel, montant des opérations estimés à 470000 francs par De Cauquis, prés du double par Mr Duponchel ingénieur en chef des ponts et chaussés du bureau hydraulique de notre région. Ce dernier s’est formellement opposé à la création de canal. Finalement il n’eut pas court.
Une solidarité institutionnalisé.
Mais je m'égard de mon sujet. Il s’agit de la charité. Et du chambardement que cette notion a subie durant la crise phylloxérique. On s’entraidait, on se réunissait pour se défendre de la crise. Mais cela n’est que le prémisse à bien des changements. Notamment le début de la mutualisation avec l’apparition du secours mutuel, puis des prévoyant de l’avenir, société de l’amitié, syndicat des ouvriers agricoles et autres qui devraient débouché à la création de la cave coopérative en 1929. Mais ce n’est pas la le plus important dans ce que j’ai pu découvrir. Ce qui m’a attiré l’attention plus qu’autre chose, c’est le changement dans une tournure sémantique. Lors de la séance du 7 Octobre 1904 les ateliers de charité, changent de noms. On les appelle désormais atelier de solidarité.
Solidarité, le mot est lancé ! Tout est dans ce terme. Il marque dans les faits des délibérations du conseil municipale, philosophiquement et juridiquement l’aboutissement d’un processus débuté lors de la révolution en France. Notamment dans le domaine de la sécurité du travail et de la protection social qui est assuré. Par qui désormais ? Par l’Etat. Je considère donc la solidarité non pas simplement comme une forme laïcisé de la charité, mais comme sa rationalisation et illustrant une nouvelle théorisation de la société, ce que l’on appèlerait aujourd’hui un nouveau contrat social. Mais elle marque aussi un changement de nature de la pauvreté. Se fondant sur les fondations de l’ancienne société, elle demande la contribution de tous. Plus particulièrement sous forme pécuniaire ou en prestation en nature au début, puis juste en argent. Cependant, elle va paradoxalement contribuer à isoler les gens les uns des autres. En désolidarisant inexorablement les liens personnels qui pouvaient exister entre deux personnes qui s’entraidaient. En le remplaçant par des liens informels entre « individus ». Le progrès et l’intérêt vont par la suite peux à peux prendre le dessus. David Humes avait donc raison. En fin de compte tout n’est qu’intérêt.
1 Pierre le GUERINEL Une société d’exclusion Manuel de culture générale par Pierre Le Guérinel, ed PUF, Novembre 2000, France, Chapitre VII-Exclusion page 285 à 334.
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